La République autonome de Transsibérie a été fondée en 1898, elle se situe dans le Far East, entre les montagnes de l’oubli et les plaines de l’égarement, quelque part du coté de la rivière des pépites. S’y déploient les hauts plateaux de l’aventure et la dépression des libertés. On peut y trouver le refuge des croyants, et la r(d)épression de la contestation.
Ce mois de juin nous y avons traversés des milliers de kilomètres de Taïga...
Mais c’est surtout le pays des trains. Toutes sortes de trains, des petits, des grands (surtout des grands), des trains de voyageurs, d'immenses trains de marchandises qui le plus souvent charrient des cailloux, ou du bois...assurément les cailloux et le bois sont les deux mamelles de la Transsibérie...
Même s’ils n’y dorment pas souvent car ils adorent rouler la nuit, les trains y ont leurs maisons : de magnifiques gares, vastes et majestueuses, chacune d’entre elles est une œuvre d’architecture originale dans laquelle les concepteurs n’ont pas hésité à multiplier les escaliers dans le louable souci de réveiller l’énergie des voyageurs qui pourrait s’être assoupie du fait de la longueur du trajet….
On peut parcourir ce pays agréablement, car les wagons sont très hospitaliers. On y est accueilli par d’aimables "provonidsa", hôtesses d’accueil aussi prévenantes qu’autoritaires quand il le faut. Elles assurent le contrôle des passagers et la bonne tenue du wagon. Il leur faut veiller à ne pas perdre leurs voyageurs aux étapes où il est autorisé de descendre.
Lors de certains arrêts, les quais ne sont pas assez longs, et une échelle est nécessaire pour mettre pied à terre et remonter dans le train. Les provonidsa assurent la gestion de celle-ci avec fermeté et autorité, il n’est pas question de dépasser l’horaire imparti si peu que ce soit tant rigueur et ponctualité sont les deux principes directeurs du fonctionnement du train…
On trouvera dans le wagon sa couchette préparée, une literie impeccable, un samovar en libre service 24 h /24, et un peu plus loin un wagon restaurant accueillant…
Certes les trains ne sont pas très rapides, et on y est parfois secoué. Dans cette contrée aux écarts de températures exceptionnellement importants, la stabilisation du ballast est une gageure pour les équipes de maintenance qui n’ont que trois mois par an pour intervenir.
Pour le dessinateur cela pose un problème. Déjà que le paysage défile, mais comment faire pour dessiner avec secousses et cahots ? J’ai trouvé ma solution : choisir un sujet qui ne nécessite pas trop de précision dans le trait : préférer des arbres plutôt qu’un dessin d’architecture, et ça tombe bien, car des arbres il n’en manque pas ! Mais le secret est de dessiner debout (appuyé le cas échéant sur une cloison). C’est un truc qui m’a été donné par un carnettistes réputé, Pierre Croux rencontré à la biennale de Clermont Ferrand de retour de Transsibérie précisément…
il y a deux sortes de dessins dans le présent carnet, ceux dessinés sur le vif (dans le train, ou lors des étapes), mais aussi un certain nombre de dessins d’imagination et de « créations » réalisés dans le train en marche, le défilement du paysage ne pouvant constituer un modèle à proprement parler, c’est à l’imagination créative d’y suppléer.
Si les espaces de la Transsibérie sont immenses et le plus souvent désertiques, les trains ont pris l’habitude de se concentrer sur des parcours très précisément définis permettant le ravitaillement et les allées et venues de leurs passagers qui avec le temps y ont construit villages et villes, quand ce ne sont pas de véritables mégapoles où les architectes ont décliné de toutes les manières possible le concept de «monumentalité».
Les villes sont vastes et aérées organisées par de larges avenues donnant une belle impression d’espace à une circulation automobile fluide nerveuse et rapide, laquelle ne manifeste pas d’égards excessifs envers des piétons qui ont tout intérêt à rester strictement sous la protection des passages qui leurs sont alloués et de respecter rigoureusement le chronométrage des traversées qui leur est dévolu.
Les automobilistes ont une mentalité de cosaque (hommes libres, ou se prétendant tels...) pour qui la ligne continue est certes impérative en France, mais facultative en Italie, et décorative en Transsibérie.
Selon l’histoire propre de chaque ville on retrouve les différents quartiers fédérés autour des différents types de bâtiments caractéristiques des cultes qui se sont succédés : le culte musulman et ses mosquées, le culte orthodoxe et les bulbes rutilants de ses églises, le culte tsariste et ses palais, le culte Stalinien et son ordonnancement, le culte mondialo/consumériste et ses hôtels et centres commerciaux.
La famille imprériale assasinée par les Bolcheviques est maintenant béatifiée et cette cathédrale a été édifiée à Ekatherinburg pour les célébrer..
Dans cette grande richesse architecturale, on est frappé par l’importance des démonstrations de l’école constructiviste fondées sur le principe selon lequel la beauté résulte de la rationalité et de la fonctionnalité de chaque construction. Foin donc de toute fioriture et décoration parasite. Lignes droites, ouvertures régulières rectangulaires ou circulaires, carrés ou triangles, volumes et circulations optimisés, bref un pied de nez aux volutes, coupoles et autres pâtisseries des écoles soumises aux anciennes prétentions des époques pré-rationnelles.
Autant les villes ont cédé au culte du monumental, autant les villages sont discrets modestes et sans aucune ostentation. Regroupements de petites unités encloses par une palissade en bois, maisons modestes et bâtiments utilitaires en bois également, jardins potagers…
Les Transsibériens l'ont baptisé "Batman"!...
Dans le registre monumental, la tentation est grande pour les autorités soucieuses de convaincre leurs administrés de l'importance de leurs responsables, de traiter la représentation de ceux-ci avec une certaine emphase..
Si les trains constituent la population principale de la Transsibérie, on y trouve également quelques bateaux, mais ils sont très minoritaires, et surtout concentrés dans la région du lac Baïkal.
Dans la rade de Vladivostok il y a d'autres unités beaucoup plus modernes que celle ci qui est le pendant Pacifique (si on peut utiliser ce mot pour un navire de guerre!) du navire qui à déclenclenché la révolution d'octobre depuis la mer Baltique et qui est ancré à Saint Petersbourg.
On retrouvera d’autres Bateaux aux confins ultimes de la Transsibérie, contrairement à ceux du lac Baïkal, ceux-ci ont le plus souvent une vocation militaire et océanique
On peut observer dans les gares les allées et venues ainsi que les comportements des trains wagons et locomotives, c’est un spectacle très instructif.
J'ai aussi en tête l'image des sous bois de bouleaux que je n'avais pas pu dessiner depuis le train, c'est donc de retour à la maison que l'ai réalisée..
Et pour terminer, à votre intention, cette invitation…………
Pierre Do Bayart, Juin 2017.
Avec Anne, Yvonne et Jean Marc, Yves et Fanfan.
Et merci à tous les guides francophone qui ont permis toutes découvertes de ce très beau voyage: Nicolaï, Véronica,Svetlana, Igor, Alla, Natalia, Natacha..