Cette fois, mon projet est de vous emmener en voyage dans le temps et dans l’espace : en Maurétanie comme on appelait jadis le nord de l’Afrique, laquelle, chacun le sait, était le grenier à blé de l’empire Romain.
Nous y avons Anne et moi, vécu 18 mois à l’occasion de mon service civil entre 1969 et 1971. Nous avons eu la chance d’y être accueillis par Andrée et Philippe, qui deviendront nos amis de 50 ans. Philippe, archéologue y préparait sa thèse consacrée à l’Aqueduc de Cherchell.
50 ans plus tard Philippe m’a demandé d’effectuer un travail graphique de préparation de croquis sur quelques pièces archéologiques qui ont été entre temps retrouvées. Celles-ci ont alimenté mon inspiration, et sont donc le support de cette exploration, laquelle est restée parfois fantaisiste même dans ce contexte académique.
La période qui nous intéresse, celle du règne du roi Juba ll, né en -51 décédé en 23, est fertile en évènements ayant marqué l’histoire et nombre de personnages célèbres y ont participé. Juba II épousa Cléopâtre Séléné, la fille de la reine d’Egypte Cléopâtre VII Philopator. Elle fut élevée à Rome par Calpuria Pisoni, la dernière épouse de César, elle croisa Vercingétorix à l’occasion du dernier voyage que celui-ci fit à Rome, et qui ne fut pas pour lui un voyage d’agrément. Ceci sans parler d'une certaine effervescence en Palestine ...
Motif de fresque selon la description qui en fut faite lors des fouilles initialesss pa Victor Weille en 1896
De retour en Maurétanie, Juba II et Cléopâtre transformèrent la ville de Césarée située sur le littoral au pied du mont Chénoua pour la rendre digne de son rang de capitale. Celle-ci a conservé un magnifique patrimoine archéologique : théâtre, amphithéâtre, temple (transformé en mosquée), sans parler du célèbre aqueduc….
Juba II laissa une bonne réputation de roi éclairé, cultivé, intéressé par les lettres et les sciences. Il est entre autre connu pour l'intérêt qu'il porta à la botanique, laissant à la postérité les découvertes qu’il fit sur la culture des euphorbes qui furent aux Romains ce que le forlax est à nos pharmaciens.
Malheureusement, contrairement aux autres monuments, le palais construit par Juba et Cléopâtre n’a pas résisté au temps et même ses vestiges sont peu visibles. Comment expliquer la disparition d’un édifice qui fut construit dans un contexte aussi favorable ? « Je ne suis pas historien » si j'emprunte la précaution oratoire actuellement en vigueur, mais J’ose une explication. Juba s’était procuré des livres de Pythagore, et il s’est avéré que ceux-ci étaient des faux qui lui avaient été refilés par des escrocs ! Le fait que les architectes de Juba aient travaillé avec des théorèmes géométriques erronés ne serait-il pas une explication suffisante au fait que ce bâtiment n’ait pas survécu ?
Des éléments de fouilles exhumés lors du début de la colonisation française et présentés en 1894 à l’Académie des belles lettres ont été récupérées par le musée du Louvre. Elles ont été récemment brièvement ressorties, le temps de les saisir au vol par quelques photographies.
Sans véritable surprise, on retrouvera des convergences de thèmes avec ce qu'on a pu trouver dans les autres palais des cités romaines de cette époque.
En découvrant ces pièces, je suis frappé par la différence entre deux thématiques qui s’expriment parallèlement. Celle de la paix agreste des paysages de jardins, des scènes champêtres d’espaces mi sauvages mi organisés de fleurs, animés de nombreux oiseaux profitant impunément des arbres fruitiers à leur disposition pour des temps qui ne leurs sont pas comptés. Des jardins qui apportent leurs charmes paisibles jusque dans les intérieurs qu’on imagine raffinés.
En regard de cette ambiance paisible et sereine, un monde mystérieux et inquiétant de sphinx et de guerriers, de monstres, de « grotesques » d'un abord bien moins chaleureux, d'êtres étranges, dont ne sait s'ils sont les produits ou les remèdes aux questions existentielles ou aux interrogations mystiques...
Voila pour une brève introduction graphique de Cherchell, cet oasis de luxe et de confort oubliée au pied du Chenoua, longtemps suspendue au débit de l’aqueduc qui en a alimenté pendant quelques décades l’aristocratique destin…
Effleurement graphique d'une ville et de son histoire qui offre par ailleurs d'impressionnants monument au travers tant d'une architecture du confort quotidien avec ses thermes, ses fontaines, son alimentation en eau, ses théâtres, que des monuments marquant sa puissance et sa grandeur: palais, temples et même un phare qui rivalisait avec celui d'Alexandrie, sans parler de sa piscine pour le crocodile.
Evidement le thème de Cherchell est graphiquement inépuisable...
Pierre-Do Bayart
16 décembre